Bible et violence conjugale

Bible et violence conjugale

Dans notre pays, tous les deux jours et demi, une femme meurt sous les coups de son mari (ou ex) ; plus de deux millions de femmes sont victimes de violences sexuelles, psychologiques, spirituelles au sein de leur couple et quatre millions d’enfants grandissent dans un climat de violences conjugales. Et ces victimes se comptent aussi dans nos églises évangéliques, nos familles chrétiennes. Quel éclairage les textes bibliques apportent-ils sur ce drame ?

Récits de conjugalité violentée dans la Bible

Il y a beaucoup d’histoires de couples dans la Bible. Certaines positives, comme celle exposée de façon étiologique « au commencement » entre Adam et Eve, voulus par Dieu comme vis-à-vis l’un pour l’autre. Le message clé sur le couple en Genèse 1 et 2, c’est l’altérité, la valorisation du différent, l’égale dignité de l’homme et de la femme (tous deux à l’image de Dieu) et leur égale autorité (tous deux en mandat pour gérer la terre). Dès l’origine, les textes bibliques parlent de « s’attacher l’un à l’autre », proposant comme modèle de relation l’alliance qui implique des engagements et aussi des droits, notamment la nécessité du consentement et le respect.

Même si l’on ne trouve pas de récit correspondant en détails à une situation de violence conjugale (la violence conjugale est à distinguer du conflit de couple : il s’agit d’un système d’emprise où la victime est humiliée, contrôlée par son partenaire qui veut lui faire mal délibérément), de nombreux textes bibliques présentent des couples dans des relations violentes… mais cette violence est toujours considérée comme conséquence de la Chute, comme péché condamnable. La situation est résumée en Gn 3.16 : « Ton désir se portera vers ton mari mais il dominera sur toi », c’est-à-dire l’homme et la femme iront à la rencontre l’un de l’autre, et au lieu d’une relation de communion, ils trouveront un rapport de force, une confrontation.

Il faudra attendre l’œuvre de réconciliation en Jésus Christ pour une pleine restauration de ces relations de couple, au point que le couple et l’amour qui l’unit deviendra une des métaphores dans les épîtres pour décrire la relation de Christ à l’Église.

Avant cela, au fil des pages de la Bible s’esquisse une conjugalité violentée. Dès les premiers chapitres apparaît la polygamie (Lémek en Gn 4.9), une violence quotidienne pour les épouses[1]. D’ailleurs à ce moment disparaît tout prénom de femme dans les généalogies (sauf comme « l’épouse de… »). Plus tard, Abraham vend son épouse Sara à Pharaon qui abuse d’elle (Gn 12) ; il renvoie dans le désert sa servante Hagar qu’il a mise enceinte, pour qu’elle y meure (Gn 16 et 21) ; puis le livre des Juges rapporte les dramatiques histoires de la femme philistine de Samson, bien avant Dalila (Jg 15.6) ou celle de l’épouse de second rang du lévite, découpée en morceaux par celui-ci après avoir été violée toute la nuit (Jg 19). Et Mikal, fille de Saül, fut instrumentalisée toute sa vie : donnée en mariage par calcul de son père ; épousée par David car il voulait être le gendre du roi ; donnée à un autre homme par vengeance, reprise par David sans ménagement (en fait réintégrée au harem royal) des années plus tard, quand il veut monter sur le trône.

En évoquant cette violence au sein de la sphère la plus intime, celle du couple, la Bible rejoint les victimes au cœur de leur réalité douloureuse. Les textes bibliques avec leur réalisme décrivent combien les impasses ou les échecs dans le couple existent, même chez des croyants. Le mal existe, il faut le nommer, le dénoncer, mais il n’aura pas le dernier mot : le Dieu de justice prend le parti des victimes.

La Bible délégitime la violence au sein du couple

Les Évangiles rapportent comment Jésus lui-même a connu l’abus, la violence, celle de la trahison, celle des coups et moqueries alors qu’il est nu, dans la cour du prétoire, devant toute la garnison. Notre Seigneur est compatissant, il comprend ce que ces femmes et enfants traversent. Il est Dieu Emmanuel, présent à leurs côtés. Cela ne suffit évidemment pas pour expliquer le pourquoi de telles tragédies, parce que le mal ne s’explique pas, il se combat. Jésus lui-même n’a pas fait de grands discours sur le mal, la souffrance, il n’explique pas mais il s’implique.

Outre l’attitude incroyable de Jésus envers les femmes, plusieurs paroles du Nouveau Testament viennent aussi délégitimer la violence au sein du couple. La réciprocité révolutionnaire introduite par Paul (le corps de la femme appartient à son mari, le corps du mari appartient à la femme, 1 Co 7.4) ;  son exhortation à ce que « les maris doivent donc aimer leurs femmes comme ils aiment leur propre corps » (Ep 5.28) ; l’exhortation de Pierre aux maris à ne pas tirer avantage de leur force physique supérieure, dans une société qui ne valorisait que cette loi du plus fort, mais à vivre avec sa femme en la traitant avec respect, « car elle doit partager, au même titre que vous, l’héritage de la vie comme don de Dieu ». (1 Pi 3.7)

Malheureusement dans nos Églises, certaines personnes ont tordus les textes bibliques et ont enseigné des hérésies : sur le pardon à bon marché (sans réelle repentance, « l’amour pardonne tout »), l’interdit du divorce, la soumission absolue à l’homme chef de la femme, incluant le devoir conjugal (en fait viol conjugal) et des violences, physique ou psychique pour « corriger » son épouse. Or aucun texte biblique ne peut légitimer la violence conjugale.

Aucun texte biblique ne peut légitimer la violence conjugale.

L’impératif évangélique de veiller les uns sur les autres, d’aimer son prochain, de rechercher le bien, la justice ne se limite pas au culte du dimanche matin. Nous devons nous sentir concernés par la souffrance des victimes de violence conjugale. Nous devons dénoncer cette violence sous toutes ses formes. Ce sont nos sœurs, nos filles, nos amies, nos voisines ou collègues qui sont concernées… Ensemble disons STOP à la violence conjugale… avant qu’il ne soit trop tard.

Pour aller plus loin

Cosette Fébrissy, Jacques Poujol, Thierry Auguste et Valérie Duval-Poujol (sous dir.), Ensemble contre les violences conjugales. Les identifier pour mieux agir dans les Églises, Empreinte temps présent, 2019

Pour les victimes de violence conjugale : Appelez le 3919 numéro d’écoute national. On y trouve information, soutien, écoute, rappel des droits, accompagnement, orientation, mise en relation, prise en charge par les dispositifs existants. Appel anonyme et gratuit d’un fixe ou mobile, 7 jours sur 7, du lundi au vendredi de 9h à 22h, et samedi/dimanche/fêtes de 9h à 18h. Le numéro n’apparaît pas sur la facture.

 [1] Dans les situations de polygamie (Abraham, Gédéon, David, Salomon…), les textes bibliques rapportent un climat de jalousies et dissentiments, conduisant à de nombreux et graves abus comme la perte de la dignité de l’épouse, instrumentalisée ou menacée. Voir Dictionnaire de la Bible, F.Vigouroux, 1922, vol 5.

3 Commentaires

  • Eddy Fleury 13 octobre 2021 22 h 29 min

    wow! c’est formidable. mes sinceres remerciements et felicitations sr. Valerie cet enorme enseignement. ca m’a beaucoup aide parce que j’ai souvent rencontre des membres de l’eglise qui me questionnent sur ce point la. A savoir qu’est-ce qu’on doit faire comme croyant si on vient de subir la violence de la part de nos conjoints.

    avec ton enseignement mme j’ai maintenant beaucoup de reponse.

  • Linda S. 7 mai 2023 9 h 20 min

    Abraham n’a pas ‘vendu’ sa femme mais il l’a fait passer pour sa sœur de peur d’être tué à cause de sa beauté. Et elle a été enlevé à 2 reprises suite au même stratagème . De plus, une longue préparation était nécessaire avant d’être conduite dans la chambre du roi et rien n’indique qu’elle a été abusée.
    D’ailleurs la 2eme fois ou elle fut enlevé le roi qui l’avais prise pour femme ne l’avait pas encore touché.

  • Linda S. 7 mai 2023 9 h 26 min

    Abraham a fait passer Sarah pour sa sœur, il ne l’a pas vendu. Il a utilisé le même stratagème 2 fois et rien n’indique qu’elle ait été abusée. Une longue préparation (bains, aromates education etc…) était faite avant d’être présenté au roi. D’ailleurs, la 2eme fois, ‘Abimélek avait pris Sarah pour femme mais il ne l’avais pas encore touché.

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