Peut-on vraiment comparer une tour et une tente? Voilà deux bâtiments bien connus des lecteurs de l’Ancien Testament. Il me semble que leur comparaison est particulièrement riche d’enseignement… pour l’Église (voir mon prochain article), mais aussi pour le chrétien personnellement, sujet de ce premier article.
Monter au ciel…
La tour se présente expressément comme une rébellion contre Dieu (Gn 11.4), construite par des hommes qui refusent le plan de Dieu (Gn 9.1). Elle doit atteindre le ciel. La tentation est grande de vouloir égaler Dieu. La gloire, désir très humain, se manifeste dans bien des domaines, sportif, artistique, professionnel… et peut-être même dans l’Église, qui sait…
Au Proche-Orient, il existait plusieurs tours semblables à celle de Babel, qu’on appelle des ziggourats [1]. Ces édifices religieux sont situés dans un espace sacré et dédiés à une divinité. L’archéologue allemand Walter Andrae a découvert que la ziggourat abrite en fait deux temples : un au sommet et un au niveau du sol. Selon lui, le temple haut est la résidence terrestre habituelle de la divinité, qui peut descendre rejoindre son temple bas à l’occasion. Mais les sacrifices se font dans le temple haut, car c’est là qu’on rencontre la divinité.
Les hommes voulaient s’élever jusqu’au ciel… mais Dieu doit descendre !
Humour du narrateur : malgré toute la prétention des hommes, au verset 5, Dieu descend ! Les hommes voulaient s’élever jusqu’au ciel… mais Dieu doit descendre ! Il arrête ce projet orgueilleux, acte de rébellion, et force les hommes à se soumettre au projet initial, à savoir peupler la Terre.
Dieu se rend présent…
À l’inverse de ces hommes qui voulaient se faire un nom, en Genèse 12, c’est Dieu qui choisit un homme et lui promet de rendre son nom grand. Il libérera ses descendants, esclaves en Égypte, et Il posera sa tente parmi son peuple. Clairement, c’est Dieu qui est à l’initiative de ce projet (Ex 25.8). Le tabernacle est le lieu de la rencontre, le lieu où Dieu se rend Lui-même présent aux hommes et où sa gloire est visible (Ex 40.33-35).
Dieu donne des instructions très précises pour cette construction : orientation, place dans le campement, dimensions, matériaux, manière de faire. Le tabernacle souligne la sainteté du Dieu trois fois saint. C’est Lui qui codifie l’accès, et on ne saurait déroger à ses instructions.
D’un côté un bâtiment pour aller vers Dieu, de l’autre le bâtiment que Dieu fait construire pour se rendre présent. Deux façons aussi de vivre l’Église. Avec le tabernacle, on insiste sur le fait que la présence divine est au milieu des hommes. Il pointe vers Jésus, c’est en Lui seul que nous pouvons nous approcher de Dieu (Hébreux 4.16, 7.19, 10.22). Dieu s’est fait proche. Il est venu. Il est accessible ici et maintenant.
Il est très tentant de faire ce qu’on veut sans tenir compte de ce que Dieu voudrait. Non pas que Dieu a un problème avec le fait que nous ayons des projets, Il se réjouit même de nous voir heureux et nous épanouir. Mais délaisser ce que Dieu demande pour x « bonnes raisons », cela reste de la désobéissance…
Avec le tabernacle, Dieu était au centre non seulement de la vie cultuelle du peuple, mais aussi de sa vie quotidienne
Avec le tabernacle, Dieu était au centre non seulement de la vie cultuelle du peuple, mais aussi de sa vie quotidienne. De même, l’adoration des chrétiens peut se vivre à tout instant. Être chrétien, ce n’est pas vivre une somme d’activités à l’Église, mais vivre le quotidien différemment, sous la conduite de l’Esprit, à l’exemple du Christ, pour la gloire du Père, avec à chaque moment la certitude de sa présence dans notre vie personnelle, de couple et de famille.
Un message pour aujourd’hui ?
Allons plus loin. Aujourd’hui, Je suis quelqu’un parce que je fais, je fais, je fais. N’y a t-il pas là un côté Babel ? Ce n’est pas ce que Dieu demande. Lui a tout accompli. Lui nous donne un nom et Il nous offre une relation avec Lui à chaque instant. La première chose que Dieu institue en achevant la création, c‘est le sabbat : un temps où l’homme arrête son activité pour prendre le temps de considérer Dieu et L’adorer. Le tabernacle, c’est le contraire du faire, faire, faire (idolâtre !) de Babel ; c’est la certitude que Dieu est là au milieu de son peuple.
Où sont nos priorités ? Dans nos projets, comme à Babel, ou dans la présence de Dieu, comme au tabernacle ?
Où sont nos priorités ? Dans nos projets, comme à Babel, ou dans la présence de Dieu, comme au tabernacle ? On pourrait dans la même optique parler de l’argent. Reprenant l’ordre de Jésus au jeune homme riche : « va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, puis viens et suis moi », Jacques Ellul commente : « Ce n’est pas une condition sine qua non de la vie chrétienne, mais chaque chrétien est appelé à être attentif à cette possibilité de vocation. À chaque moment dans notre vie peut surgir cette demande expresse, à chaque moment cette vocation de donner tout son argent peut nous être adressée. [2]» Relevons que le tabernacle a été construit et le service des lévites financé uniquement grâce aux dons des Israélites. Nous construisons bien des « Babel » avec notre argent. Qu’en est-il du projet de Dieu ?
Quel est le moteur de ma vie : Dieu ou mes projets ? C’est la question que me laisse cette comparaison…
À suivre…
[1] On en connaîtrait une trentaine selon M. Richelle. Ce sont de hautes constructions pyramidales à base carrée et à étages superposés de plus en plus étroits. Ils étaient solidement construits avec un chemin qui menait au sommet où se trouvait un sanctuaire qui servait à l’adoration des divinités païennes représentant le soleil, la lune et les étoiles (LOSTI J, Chemins de Vie, Genèse 11.1-4)
[2] ELLUL Jacques, Le chrétien et l’argent, Lausanne, PBU, 1979, p.150
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